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Le Smart Building et le Smart Grid
Synthèse de table ronde Build & Connect 2020
Intervenants : Emmanuel François,Smart Buildings Alliance – Elodie Hestin, Socomec – Prudence Soto, Sauter Régulation SAS
Modérateur : Etienne Wurtz, CEA INES / RDI
La table ronde « smart building et smart grid » est consacrée aux enjeux de mixité énergétique et de modèle économique qui accompagnent le développement des systèmes smarts. Elle a accueilli Etienne Wurtz du CEA, directeur de recherche et chef du service bâtiment système thermique à l’INES, Emmanuel François, président Smart building alliance for smart cities, Ludmila Gautier, directrice générale adjointe chez ES Energies Strasbourg, Elodie Hestin, responsable marketing solutions de stockage Socomec et Prudence Soto, directrice générale Sauter régulation SAS. Les intervenants ont pu partager leur vision du smart, à travers notamment des retours d’expériences sur des projets innovants.
Une invitation à aller sur le terrain en guise d’introduction
La table ronde débute par une mise en garde d’Etienne Wurtz sur les processus de conception de solutions smart. Ce dernier appelle à bien garder en tête que « la réalité du terrain est parfois assez loin » de ce qu’on imagine et il est nécessaire de s’attacher à concevoir des projets smart qui apportent réellement un plus à l’usager. Pour lui, différentes solutions : notamment aller sur le terrain et « faire avec ce qu’on a » comme réalité.
Mixité énergétique et décentralisation de l’énergie
La mixité énergétique est une composante centrale des bâtiments et villes de demain. Elle doit permettre aux bâtiments d’avoir la bonne énergie au bon moment, afin d’optimiser leur consommation. Pour cela, il faut s’appuyer sur les smart grids.
Pour Emmanuel François, l’essor des énergies renouvelables et de la mobilité électrique a engendré une nécessité de mixité énergétique. Et cela passe par l’hybridation des réseaux, à la fois électriques et thermiques, centralisés et décentralisés. La gestion de ces réseaux va devoir être complètement repensés : « on va avoir du stockage, on va avoir besoin de pilotage ». Ces nouveaux systèmes seront intelligents, interconnectés, et surtout basés sur la collecte de datas, afin d’avoir une connaissance pointue des ressources et des consommations. Les données permettront également aux individus de mieux comprendre et maîtriser leur consommation, via des applications portables par exemple.
La notion d’effacement est ici centrale : les bâtiments pourront ainsi adapter leurs consommations en temps réel, en fonction des besoins des occupants et des autres bâtiments aux alentours. Le retour d’expérience présenté par Prudence Soto, sur le pilotage de bornes de recharges, illustre bien cela. Sauter Régulation SAS a été en charge du pilotage de 56 bornes reliées à un même compteur, pour une mairie corse. L’objectif était de ne pas dépasser une certaine puissance, définie à l’avance. D’où l’importance du smart charging, qui permet de répartir l’énergie en temps réel entre les différentes bornes utilisées, selon la demande.
Une autre notion importante est celle de la demande. Celle-ci dépend forcément d’un contexte (contexte de production, contexte de consommation). Il faut donc bien analyser ce contexte pour traiter la demande. « La première étape, c’est de faire un diagnostic énergétique » confirme Ludmila Gautier, en fonction de l’échelle concernée (territoire, ville, quartier). Pour cela, il est nécessaire de faire « une analyse de la demande énergétique tout secteur, pas que le bâtiment, mais aussi le secteur du transport, de l’industrie ». L’analyse de l’offre énergétique du territoire vient en deuxième étape. A partir de ces deux analyses, les réseaux intelligents pourront faire le lien entre l’offre et la demande. C’est grâce à cette analyse que le groupe ÈS a pu identifier les ressources renouvelables en Alsace et investir en conséquence. Le groupe a notamment investi dans une centrale biomasse à Strasbourg, qui produit à la fois de l’électricité et de la chaleur. Une biomasse « locale », qui provient « des Vosges ou de la forêt Noire ». ÈS a également investi dans la géothermie, le micro-hydraulique et le photovoltaïque.
Cependant, comme le rappelle Emmanuel François, en écho à l’introduction d’Etienne Wurtz, il faut veiller à la qualité des bâtiments. C’est pourquoi Smart Building Alliance a mis en place la certification R2S-4GRIDS, qui vise à « qualifier les bâtiments dans leur aptitude à communiquer des données énergétiques et à s’effacer ». Cette certification s’applique également aux quartiers.
Enfin, il faut proposer des réseaux qui soient capable d’évoluer et d’accueillir de nouvelles énergies, comme l’hydrogène, qui devrait arriver d’ici 2050 selon Étienne Wurtz. Ludmila Gautier préconise ainsi l’utilisation « des réseaux existants pour produire un hydrogène bas carbone », « au plus près de la consommation ».
Modèle économique
Ces nouveaux réseaux demandent de trouver un modèle économique adéquat, qui convienne à la fois aux usagers et aux investisseurs. Mais ce modèle doit également respecter des normes écologiques et sociétales, comme le soulève Etienne Wurtz : « il n’y a pas que le côté économique qui doit primer. Il y a des valeurs humaines, des valeurs environnementales ». Pour Prudence Soto, « tout est à construire ». Il ne faut donc pas hésiter à recourir au numérique et à l’intelligence artificielle, afin de trouver le meilleur modèle économique possible.
Selon Emmanuel François, il est nécessaire de mettre en place un système dynamique, avec « une tarification qui va être fluctuante en fonction des ressources », afin d’adapter la consommation à la production. L’analyse des données est essentielle ici : elle doit permettre de proposer un tarif au plus près de la consommation du client, comme le souligne Elodie Hestin.
La traçabilité de l’énergie sera au cœur de ce système. D’une part, cela permet de s’assurer de l’origine verte des énergies. D’autre part, qui dit nouveau modèle économique dit nouveau modèle de financement. Pour Emmanuel François, la traçabilité facilitera les échanges via les cryptomonnaies : « j’investis dans un système et je suis rémunéré en cryptomonnaies ». Cette monnaie pourra ensuite être utilisée pour payer son énergie. Ces échanges se baseront sur la confiance et l’interconnexion.
Le modèle économique devra prendre en compte la montée de l’autoconsommation. Cette dernière est favorisée par les systèmes de stockage, qui permettent de produire et stocker sa propre énergie. De plus, comme le rappelle Elodie Hestin avec l’exemple de la loi Energie Climat, la réglementation pousse les bâtiments à intégrer les énergies renouvelables dans leurs mix. Surtout, ce système est rentable, grâce à la baisse des coûts du photovoltaïque, mais aussi aux changements de comportement des consommateurs-producteurs. Pour Ludmila Gautier, « à partir du moment où un habitant devient producteur d’électricité (…) il va être amené, pour améliorer la rentabilité de l’installation, à augmenter le taux d’autoconsommation ». Il faut donc étudier le rationnel économique du client, pour maximiser la rentabilité.
Un bémol cependant : les batteries de stockage sont encore onéreuses. D’où le développement de multiservices : « le stockage va pouvoir servir à faire de la résilience » en cas de coupure du réseau temporaire ou encore à « faire de l’écrêtage », en limitant les impacts de pic sur le réseau (Elodie Hestin). Le multiservice permet ainsi d’optimiser l’investissement dans un système de batterie. Une autre solution existe afin de permettre à un maximum de clients de bénéficier de solutions de stockage : proposer la location de batteries en attendant d’en devenir propriétaire. C’est notamment le choix du groupe ÈS.
Conclusion : quel modèle énergétique pour demain ?
En conclusion Etienne Wurtz tient à souligner un paradoxe selon lui : la dévalorisation du solaire thermique. « On aura gagné la bataille quand on pourra faire de l’eau chaude avec du solaire thermique » affirme-t-il, soulignant qu’il s’agit de l’une des énergies les plus propres et avec un fort potentiel de rentabilité. Il conclut cette table ronde en proposant un modèle économique basé sur le troc : que l’Etat s’engage à « offrir » les panneaux photovoltaïques à ceux qui les utilisent. L’énergie produite ensuite à partir de ces panneaux, paie le coût de ce prêt d’un nouveau genre.
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