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S’organiser pour faire émerger davantage de projets utilisant du bois régional : compte rendu de table ronde

02 janvier 2024 Matériaux
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Le 7 novembre 2023, le Pôle a organisé une conférence sur le thème de la valorisation du bois régional, en partenariat avec le Critt Bois d’Epinal, Fibois Grand Est et le Crédit Agricole Alsace Vosges.

Après une introduction au sujet faite par Laurent Bléron, directeur de l’ENSTIB et une première table ronde destinée à dresser un état des lieux, la deuxième table ronde avait pour but d’échanger sur la manière dont les acteurs de la fillière peuvent s’organiser pour faire émerger davantage de projets utilisant du bois régional. Synthèse de cette séquence qui a réuni Eric de Taddeo de Mathis SAS, Michael Perez de BtoG, Quentin Remy du Pôle Innovation bois d'Épinal, Claude Valentin de HAHA Architecture et Thibaud Surini de Fibois Grand Est pour l’animation.

 

Des motivations diverses

Pour Claude Valentin, architecte, si la problématique est plus simple pour les maitres d’ouvrage qui peuvent utiliser leurs propres ressources, elle demeure complexe pour les autres profils. Dans le premier des cas, il cite l’exemple de la réalisation d’une maison individuelle dont le bois utilisé était la propriété des futurs occupants. L’utilisation de cette ressource a permis de donner du sens au projet, de l’ancrer dans une histoire familiale. Cette composante a d’ailleurs orienté la conception avec une forte sensibilité à la place du matériau utilisé dans l’histoire de la maison, contrebalançant par ailleurs, le côté très technique d’un projet de construction.

D’autres motivations peuvent pousser à l’utilisation de bois local. Dans la commande privée où le bâtiment est un d’actif immobilier à valoriser, de nouvelles pressions liées à des critères extra financiers émergent : l’écologie, la proximité avec le territoire, le sens donné à la construction sont des leviers à considérer. Il observe un basculement dans ce sens.

Quentin Rémy du Pôle Innovation d’Epinal témoigne de l’importance de la volonté politique. Dans le cas de son bâtiment, le souhait était de valoriser le feuillu présent sur le territoire de la collectivité. Pour lui, un tel projet nécessite des acteurs engagés : une maitrise d’œuvre volontaire prête à engager l’ingénierie nécessaire à l’expérimentation, un charpentier qui est allé recruter les lamellistes et les scieurs.

Claude Valentin confirme que prescrire un projet au-delà des critères techniques est un acte stratégique. C’est une manière d’agir sur le territoire sur lequel évolue les différentes parties prenantes du projet. Si le politique décide d’en faire un projet exemplaire, celui-ci peut être considéré comme un levier de développement pour le territoire. Il cite l’exemple de la construction de la halle de Tendon. Le point de départ du projet était l’analyse de la disparition de plusieurs scieurs régionaux du fait du moindre accès à la ressource locale. Il s’agissait de construire un mécanisme de commande publique qui les favorise. Cette volonté couplée à celle d’utiliser une ressource locale abondante a mis en mouvement la collectivité pour construire un projet qui favorise le sciage local à partir de hêtres régionaux.

 

La rénovation comme levier de développement

La rénovation constituera le marché du futur du bois régional pour Claude Valentin. L’architecte explique que sur ce marché, le bois local a de nombreux avantages : la diversité des essences, des calibres correspondant à des besoins diversifiés, parquets, plafonds, le bois est une solution à de nombreux lots de rénovation et le bois local permet plus de nuances et de personnalisation.

Eric De Taddeo de l’entreprise de construction Mathis souligne la difficulté de définir ce qu’est un bois local. Si pour les acteurs de la première transformation, il s’agit de travailler du bois récolté proche de l’usine, pour la seconde transformation, le concept est plus flou et peut être contreproductif. Il préconise de parler plutôt de réduction de l’impact environnemental. La provenance des approvisionnements compte n’est pas le seul levier. Il précise que la 2e transformation n’est pas forcément adaptée aux circuits plus courts et que l’outil doit s’adapter à travailler de nouvelles essences.

L’industriel précise aussi l’importance de la prise en compte des aspects normatifs.  Il donne l’exemple des jeux olympiques. L’Etat souhaitait utiliser des matériaux biosourcés et notamment du bois de structure (nécessité d’utiliser 30% de bois et notamment du bois français). Les filières se sont mises en route pour répondre à la demande. Mais les solutions techniques préconisées ont demandé de se mettre en conformité réglementaire, ce qui n’était pas toujours en phase avec les délais et les budgets imposés.

 

Privilégier le bois local sur les marchés publics

Concernant les marchés publics, Michael Perez, juriste chez BtoG rappelle qu’il n’est pas possible de préciser la provenance du bois dans les marchés publics. Néanmoins, des solutions existent pour valoriser les bois régionaux (spécifications possibles sur les compétences, le bilan carbone, des heures d’insertion par exemple). Pour le juriste, il faut prendre en compte le sujet dès la phase de programmation. Il souligne que les labels ne garantissent pas que le bois local soit retenu du fait de l’obligation de permettre des solutions équivalentes. Il préconise de se concentrer sur la répartition des points attribués sur les appels d’offres pour favoriser les bois régionaux. Les industriels doivent répondre au système de notation plutôt qu’au cahier des charges et bien voir l’implication de la répartition des points. L’acheteur doit voir également la manière dont ses choix de traduisent dans le barème. Par exemple, la maitrise d’ouvrage est-elle prête à payer plus cher pour un meilleur bilan carbone. Il prévient néanmoins que local et carbone ne vont pas toujours de pair ; le transport comptant pour 1/5 seulement de l’impact.

Pour le juriste, un argument à privilégier est celui de l’emploi sur le territoire. C’est un argument auquel sont sensibles les maîtres d’ouvrage, y compris privés. Si la volonté est là, alors les arguments se trouvent. Il cite le nombre d’heures d’insertion, le cout du cycle de vie, la préservation de la biodiversité, comme autant d’arguments qui permettent de sortir de la logique du prix.

Il indique que l’Europe travaille actuellement sur le sujet, même si la définition du local à l’échelle européenne, peut différer de notre vision hexagonale. En France à partir de 2026 des critères de durabilité devraient également voir le jour dans les marchés publics.

Former et sensibiliser

Chacun s’accorde sur la nécessité d’accélérer la formation et la sensibilisation pour palier au manque de connaissance de la maitrise d’ouvrage sur ce que permet la réglementation, le manque de formation des architectes sur l’utilisation du bois régional, sur le manque de connaissance des entreprises pour répondre aux demandes. Les compétences des entreprises doivent se développer pour répondre à des exigences élevées sur les cahiers des charges.

Au-delà de la formation de chacun, c’est une nouvelle manière de collaborer qui est la clé. Claude Valentin appelle à la création d’un espace de coopération qui permettrait de prévoir sur un plan pluriannuel les besoins en matériaux, d’organiser le sourcing et de planifier la mise en œuvre.




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