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Le bâtiment comme banque de matériaux

18 mars 2021 Économie circulaire
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Synthèse de la table ronde de Build & Connect 2020 - Réemploi, réutilisation, recyclage, le bâtiment banque de matériaux pour (re)construire la ville

Intervenants : Eric Allodi, Upcyclea – Olivier Dupont, CTMNC – Mathilde Billet, Ballastock – Rym Mtibaa, DEMOCLES/ Ecosystem – Francois PICART,  Valorsol

Modérateur : Mickaël de Chalendar, Groupe Saint Gobain

Le secteur du bâtiment émet 30 % des émissions de CO2, consomme 35 % des matières premières et produit 70 % des déchets. Il existe pourtant une solution pour réduire à la fois la consommation de ressource et la production de déchets : le réemploi des matériaux. Dès lors, comment faire du bâtiment une banque de matériaux ? C’est la problématique à laquelle s’attelle les intervenants de cette table ronde : Eric Allodi, directeur général d’Upcyclea ; Mathilde Billet, co-directrice et responsable expertise réemploi pour Bellastok ; Olivier Dupont, directeur général adjoint, département terre cuite, au Centre Technique de Matériaux Naturels de Construction (CTMNC) ; François Picard, directeur de Valorsol ; Rym Mtibaa, responsable projets bâtiment et coordinatrice DEMOCLES chez Ecosystem. La conférence est animée par Mickaël de Chalendar, directeur régional et animateur du groupe de travail économie circulaire de Saint-Gobain.

 

Introduction : réglementation et responsabilité


Mickaël de Chalendar ouvre la table ronde par un rappel sur les réglementations qui conditionnent le secteur du bâtiment. La RE 2020 va notamment imposer de participer à la mise en place des filières de valorisation des déchets en réemploi ou recyclage. Rym Mtibaa et Mathilde Billet, pendant leurs présentations respectives, soulignent également le rôle de la loi anti-gaspillage et pour une économie circulaire dans le développement du réemploi. Ces différentes réglementations renforcent la responsabilité des acteurs (maîtres d’ouvrages, industriels, distributeurs, etc.), dans la réduction de l’impact carbone et environnemental des bâtiments, ainsi que dans le développement du réemploi.

 

Changer de paradigme économique


Si les réglementations poussent à développer les différentes filières du réemploi, encore faut-il avoir un système économique qui fonctionne. Or, selon Eric Allodi, aujourd’hui, « on a un modèle économique qui ne tourne pas […], parce que la plupart des bâtiments sont anciens, et qu’on récupère beaucoup de déchets dont on ne sait rien. Ils sont ainsi source de coûts ». Il faut donc changer de paradigme. Pour François Picard, il faut penser le déchet en tant que ressource. Il s’agit de pouvoir se dire « aujourd’hui je suis convaincu que je ne collecte pas un déchet mais une matière », qu’il faut aller chercher à la source. Eric Allodi, lui, insiste sur le fait qu’il faut considérer le déchet comme source de revenu. Il invite à se concentrer sur la « survaleur » du produit, « qui est générée grâce à une véritable économie circulaire ». D’après les estimations d’Upcyclea réalisées à partir d’hypothèses et de retours d’expérience sur « des coûts de revente en réemploi de produits de matériaux », sur « leur coût de dépose » ainsi que de « non-mise en décharge », un bâtiment en économie circulaire rapporterait 15 % de plus qu’un bâtiment traditionnel.

 

Repenser la (dé)construction des bâtiments


Le réemploi demande un travail conséquent en amont de la réalisation des bâtiments. Selon Eric Allodi, il faut penser directement la démontabilité des bâtiments, afin que les éléments puissent être réemployés en cas de déconstruction. Des outils numériques comme le BIM peuvent faciliter ce travail. Les éléments démontables doivent être transportables facilement, précise Olivier Dupont. Ce qui demande de penser en amont l’évacuation des déchets ressources et leur stockage, comme le souligne Rym Mtibaa. Pour cela, François Picard mise sur l’innovation logistique. Il faut prévoir des contenants dédiés aux types de matériaux pour le transport. Les distributeurs peuvent également mettre à disposition des bennes spéciales près de leur magasin, informe Mickaël de Chalenda.

L’objectif en France, selon François Picard, est de « dépasser les 70 % de revalorisation des déchets issus du BTP ». Pour cela, tous les intervenants s’accordent sur l’importance de mettre en place une démarche collaborative entre les acteurs du bâtiment, que ce soient les acteurs traditionnels ou les nouveaux métiers comme les « ressource managers » (Eric Allodi) et les « diagnostiqueurs » (Rym Mtibaa). François Picard, lui, parle d’« information circulaire » : les innovations et les informations doivent circuler entre tous les acteurs concernés.

Le travail collaboratif va permettre l’émergence de nouvelles filières. Mathilde Billet insiste sur l’importance de favoriser la « mise en système des réseaux pour développer à l’échelle nationale les filières du réemploi ». François Picard donne l’exemple des menuiseries en fin de vie : multi-matière, elles sont un défi qui requiert du savoir-faire pour alimenter d’autres filières en matières.

La prochaine étape est d’industrialiser la construction de bâtiments circulaires, en encourageant les acteurs du secteur à appliquer ce qui marche déjà.

Apprendre à gérer ces nouvelles ressources

 

Le diagnostic, une étape vitale


Depuis la loi anti-gaspillage et pour une économie circulaire, le maître d’ouvrage est responsable du diagnostic Produits-Matériaux-Déchets. Il y a deux types de diagnostic :

    • les ressources présentes dans un bâtiment en cas de restructuration ou de démolition
    • les ressources aux alentours pour construire ou rénover.


Le diagnostic fera ensuite office de grille d’inventaire, utilisée tout au long du chantier. Pour Rym Mtibaa, il est important de s’accorder « sur un langage commun pour parler des mêmes composants d’un bâtiments et matériaux ».

Le diagnostic est également indispensable pour assurer le bâtiment. En effet, comme le souligne Olivier Dupont, bien identifier les matériaux garantit aussi leur « assurabilité […] et de pouvoir apporter les justifications qui permettront d’avoir un ouvrage à iso-périmètre en termes de risque par rapport à des produits neufs ».

Optimiser la traçabilité


Les intervenants notent une demande croissante des acteurs du bâtiment en matière de traçabilité des matériaux. Pour Rym Mtibaa, la traçabilité permet de s’assurer de la provenance des matériaux utilisés dans un chantier, et que les déchets d’une démolition servent bien à des projets vertueux. Le maître d’ouvrage peut ainsi dresser des résultats chiffrés, ce que ne permet pas le diagnostic. Rym Mtibaa préconise une gouvernance de la traçabilité : « la traçabilité ne peut pas être la chose d’un acteur, la traçabilité est une chose commune, c’est une garantie dont on a besoin, tous ».

Accompagner les acteurs du bâtiment


Selon Olivier Dupont le réemploi demande savoir gérer une « multitude de matériaux ». Il est donc nécessaire d’accompagnement les acteurs concernés. Rym Mtibaa prend l’exemple du diagnostiqueur, qui « doit être accompagné, parce que c’est un métier à la frontière entre les connaissances du monde du bâtiment […] et les connaissances en matière de prévention et gestion des déchets ». L’accompagnement peut également se faire à échelle européenne. C’est le cas du projet Interreg FCRBE, présenté par Mathilde Billet, dont l’objectif est de « Rendre visible, outiller, diffuser », pour faciliter la circulation d’éléments de réemploi en Europe du Nord-Ouest.




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